La guerre au moyen age

 La guerre de Saint Louis à Philippe le bel  (1226 - 1314)

Les guerres au moyen age ont été très scrupuleusement documentées par les services du Roi mais en 1737 la chambre des comptes où étaient entreposés des millions de documents a été incendiée et de nombreux documents ont été perdus

L'ouvrage de Xavier Hélary  "L'armée du roi de France" , dont j'ai tiré le texte ci dessous, porte principalement les croisades de Saint Louis , croisade d'Égypte de 1248 à 1254 , la croisade de Tunis 1270, Philippe 3 l'ost de Foix 1272, l'ost de Sauveterre 1276, la croisade d'Aragon 1285, Philippe le Bel les guerres contre la Flandre de 1297 à1304.

 

Les combattants
L'armée des capétiens est composée avant tout de combattants à cheval. Mais en fonction des régions , les mots changent ainsi que les vêtements et les habitudes
 
  Le Chevalier
    Le combattant à cheval est avant tout un Chevalier. Tout jeune noble est appelé à devenir chevalier . A l'age de 18 ou 20 ans le jeune noble peut être adoubé Chevalier.( en 1300 on estime le nombre des chevaliers entre 5 et 10 000)
Être adoubé chevalier signifie qu'on a des antécédents nobles, mais aussi un niveau de revenu suffisant en effet, l'équipement du chevalier est très coûteux. Avec le temps, la petite noblesse s'appauvrit . A chaque succession les biens du défunt sont partagés entre les héritiers et les domaines ainsi se réduisent. Les adoubements ont lieu de plus en plus tard à tel point que le roi s'inquiète de la diminution des effectifs au point qu'il oblige que les fils de nobles soient adoubés. Mais également, en France à la fin du 13ème siècle, nul ne peut entrer dans la noblesse sans avoir été chevalier. Philippe le Bel ordonnera au Bailly de Caen de faire adouber tous les écuyers nobles de père et ayant les ressources suffisantes . On estime les ressources suffisantes à 200 livrées de terre dont 160 doivent provenir d'un héritage ( il faut se prémunir des parvenus) . La livrée de terre est la superficie d'une terre qui rapporterait 1 livre

 L'élite des chevaliers : Le Banneret .  C'est un seigneur suffisamment puissant pour se voir reconnaître le droit de porter bannière (un simple chevalier pourra porter un pennon  petit drapeau). Il constitue avec ses vassaux une unité tactique composée de chevaliers, écuyers, et homme d'armes

Les chevaliers sont composés en partie de jeunes nobles abreuvés de récits héroïques qui ne rêvent que de gloire.  Recherchant la prouesse individuelle ils sont souvent indisciplinés. On leur attribue la perte de plusieurs batailles aux conséquence graves telles la défaite de Mansourah en Egypte prélude à la destruction de l'armée des croisés, la défaite de Courtrai en Flandre qui a causé l'anéantissement de l'armée du roi. Plus tard lors de la guerre de cent ans Crécy (1346) et Azincourt (1415)
 
  L'écuyer
     Il peut être un jeune noble non encore adoubé ou un homme d'arme non noble. Il est équipé comme un chevalier mais de façon moins coûteuse. Sur le champ de bataille il se confond avec les chevaliers .

L'équipement de ces combattants à cheval est fonction de leurs ressources
L'équipement se compose d'abord d'un auqueton , un vêtement de coton rembourré, sur lequel il enfile un haubert ou cotte de mailles. Il recouvre le tout d'une longue chemise sur laquelle sont brodées les armoiries du chevalier
De braies de cuir genre de culotte,
Les mains sont protégées par gantelets, les épaules par des ailettes
Sur la tête un heaume carré percé d'une fente pour les yeux et de trous pour la respiration en dessous du heaume , sur la tête , une coiffe de cuir . Plus tard, à la fin du 13ème siècle,  le heaume sera muni d'une visière rabattable . En dehors des combats on lui préfère un chapeau de fer , sorte de casque de forme aplatie.
En dehors des combats, le bouclier ou écu est porté au cou ou à la selle. Une main tient les rênes l'autre tient la lance ou le pennon. L'épée est à la ceinture, elle ne sert que dans la deuxième phase du combat.
 Les armoiries peuvent se retrouver également sur les ailettes et sur le caparaçon du cheval.
 
  Le cheval: (c'est aussi un combattant.....involontaire )
    Le coût du cheval est très variable , il peut s'agir
 d'un sommier,  une simple bête de somme
d'un roncin, un cheval commun
 d'un palefroi sorte de cheval de parade.
 Pour le chevalier, la monture la plus importante est le grand destrier , le cheval d'armes
 des documents attestent l'achat de 3 destriers valant chacun 300 livres parisis. Le prix d'un cheval va couramment de 10 à 150 livres

En 1279 Philippe 3 promulgue une ordonnance :
Tout chevalier possédant 200 livrées de terre et tout bourgeois ayant en terre et en meubles 1500 livres tournois doit élever une jument capable de donner naissance à un poulain.
Chaque fois que les rois entrent en guerre, ils interdisent la sortie de chevaux en dehors du royaume . Il en est souvent de même pour l'or, l'argent, les pierres précieuses ,les vivres et les armes.
 
  Les gens de pieds
    les gens de pied sont très diverses :
L'élite des gens de pieds est composée des arbalétriers et des sergents
    Les arbalétriers sont parmi l'élite des fantassins ( certains sont même à cheval ) . Le roi en a 25 dans sa garde personnelle. et le maître des arbalétriers est l'un des personnages qui composent " l'État major"
    Les sergents sont également dans cette élite. Ils sont vêtus d'une cotte de maille  qui couvre l'ensemble du corps et des bras jusqu'en dessous du genou et sur la tête un chapeau de fer , un écu à la main et une lance. Mais l'habit en vérité est très divers.
    Les bidaux ils sont réputés venir de la péninsule ibérique, beaucoup du royaume de Navarre. Ils sont armés de deux piques et d'un couteau à la ceinture. Ce couteau , ils l'appellent "miséricorde" lorsqu'ils achèvent les blessés . Ils ont mauvaise réputation , lorsqu'ils ne sont plus appointés par le seigneur ils retournent à leur pays en pillant les régions qu'ils traversent.
 
  Les soudoyers
    Ce sont des combattants à la solde d'un seigneur ou du roi qui vont combattre sous sa bannière. Ils peuvent être des nobles pauvres. Ce sont en quelque sorte des mercenaires. 
Les soudoyers peuvent être à pied ou à cheval. Dans ce dernier cas leur monture peut être très diverse en général le soudoyer possède un équipement moins cher que le chevalier, mais il y a des exceptions.
 
  Armures de fer
   

Ce terme regroupe les combattants à cheval , chevaliers, écuyers, hommes d'armes
 

La paie des combattants
 

Les nobles , trop pauvres pour se battre à cheval vont faire partie des gens de pieds. la comptabilité évoque alors des gentilshommes de pied ou écuyers de pied ils sont payés 2 sous par jour alors que les écuyers à cheval touchent 5 sous.
Le fantassin est appelé "sergent",  "piéton" ou "gens de pieds" est payé 1 denier par jour (
rappelez vous 1 livre = 20 sous   1 sou = 12 deniers et 1 livre tournois = 1,25 livre parisis) ). Aucun travail d'adulte masculin ne paie moins ils ne sont donc pas parmi l'élite de la nation.
Le chevalier est payé 10 sous
Et le banneret 20 sous

Exemples :
 Jean sire de Figuières pour la période de novembre 1297 à janvier 1301 reçoit 5000 livres tournois.
Charles de Valois pour l'occupation du duché de Flandres avec ses 1 500 "armures de fer" perçoit 200 000 Livres Tournois par an.

Le connétable de France est chargé de verser les gages des combattants. Sa rémunération est constituée d'une journée de gage des personnes rémunérées,
 

Qui va faire partie de l'armée du roi
  Il faut distinguer la constitution d'une armée, l'ost,  pour la défense du royaume ou pour y faire régner la justice et la Croisade .
Dans le premier cas le roi va convoquer les seigneurs redevables ou conclure des accords avec d'autre moyennant rémunération.
Dans le second cas, la croisade,  le Roi ne peut pas obliger ses féaux à se croiser. Il s'agit d'une inclinaison personnelle

La convenance: il s'agit d'un accord très détaillé établi entre le roi et le seigneur qui va l'accompagner. La convenance va détailler le nombre des chevaliers  qui vont faire partie de la troupe du seigneur. Les bannerets sont suivis de 5 personnes et le "pauvre homme" c'est à dire le simple chevalier de deux personnes.
Erard de Vallery cité dans l'ouvrage de Mr Hélary s'engage à fournir au roi 30 chevaliers, avec une moyenne de 3 accompagnants par chevalier ce sont 120 personnes en plus de la suite immédiate de Erard. Son testament, rédigé avant de partir fait état, pour sa suite personnelle, d'un seul chevalier et de 8 écuyers, à 6 de ces écuyers il déclare devoir 50 livres plus le cheval qui les porte aux 2 autres 40 livres plus le cheval . Tous ont pris l'engagement de le servir pendant un an si l'engagement est écourté il ne toucheront que 50 livres ou le cheval. Le chevalier quant à lui touchera 200 livres et un restor de 60 livres par cheval tué. Le restor est une indemnité qui doit permettre au cavalier de s'acheter un nouveau cheval si le sien a été tué pendant le combat Ce qui porte l'ensemble à environ 40 chevaliers soit 160 personnes . Erard se voit attribuer la somme de 8 000 livres pour une année au service du roi.
Un autre chevalier Gérard de Capendu sera accompagné de 14 autres chevaliers , il toucheront 10 sous par jour ce qui correspond à 2730 livres pour une année

La croisade d'Egypte de Saint Louis on estime le nombre des chevaliers à 2500 ou 2800 . Ils ont , les accompagnant 2 cavaliers , Écuyers ou Sergents à cheval soit 5000 à 5600 . On estime l'armée à 15 000 ou 18 000 hommes.
La croisade de Tunis est probablement identique à la précédente

La Semonce Féodale c'est la convocation par le roi de ses vassaux. Le roi peut convoquer ses vassaux c'est le ban et les vassaux de ses vassaux c'est l'arrière ban . Ces derniers, les vassaux de ses vassaux, sont aussi appelés vavasseurs. En général, le roi convoque le Ban. Les vassaux du roi sont astreints au service des fiefs en principe les vavasseurs n'ont pas à être convoqué par le roi, ils ne dépendent que de leur seigneur. Un chevalier Breton ne dépend que du Duc de Bretagne.
Jusqu'au règne de Philippe Auguste (1180-1223) le domaine royal était très petit , le roi n'avait pas grande possibilité pour réunir une armée. Philippe Auguste a agrandi considérablement le domaine royal ce qui accru la puissance militaire des rois de France. Les clercs du rois vont alors tenir une liste des vassaux du roi et les obligations qu'ils ont envers lui . Ils vont également inventorier les évêchés royaux (en 1207 ils sont au nombre de 34) , les évêques et les abbés ne sont pas seulement des clercs, ils sont placés à la tête d'un temporel important.
Les vassaux du roi doivent servir le roi dans son ost quarante jours et quarante nuits passé ce temps ils ne doivent plus rien au roi il restent s'il le veulent bien et doivent être rémunérés pour le temps qu'ils restent dans l'ost .

Dans toutes les circonscriptions qui relèvent du domaine royal , les baillis et les sénéchaux appellent les vassaux

Les sommes promises sont généralement versées en plusieurs fois : au rendez-vous, à l'embarquement à le fin du premier trimestre , du second , au retour etc Il en découle que si plusieurs dizaines de convenances sont conclues des sommes d'argent considérables vont devoir accompagner la troupe et donc être transportées
     
Combien coûte une guerre
  On sait que les 6 années de 1248 à 1254 que passe Louis 9 (pas encore Saint Louis) outremer ont coûté 1 500 000 Livres Tournois alors que les revenus du royaume, s'élèvent à 250 000 Livres
Il faut prévoir le ravitaillement. Avant de partir à sa 1ère  croisade  Louis 9 a fait entreposer à Chypre blé, orge et vin .
Pour la croisade de Tunis Louis 9 a fait acheter 191 300 carreaux d'arbalète
Le transport et notamment maritime coûte cher surtout pour les croisades. Les capétiens ne sont pas des gens de mer, pour le transport des troupes et de leur équipement il faut compter sur Venise ou sur Gène les gens du roi vont les mettre en concurrence. Ainsi Venise propose pour la croisade de Tunis 15 grandes nefs
Il faut également prévoir des engins de guerre, catapultes, tours pour attaquer les remparts .
Le ravitaillement : Nourrir chaque jour des milliers d'hommes, de chevaux et de bêtes de somme suppose l'approvisionnement de milliers de tonnes de nourriture. Une préparation minutieuse longtemps avant les combats . Des marchands accompagnent les troupes afin de les approvisionner. Le ravitaillement de l'armée est en général bien effectué


En 1285 Philippe 3 entreprend la croisade d'Aragon on évalue la dépense à 1 230 000 Livres Tournois mais cette fois le domaine s'est agrandi , ses revenus sont donc supérieurs, probablement de l'ordre de 400 à 450 000 Livres Tournois. Les chevaux coûtent cher. Pour la croisade d'Aragon le "restor" des chevaux est évalué à 34 000 Livres. Dans les combats, le cheval est moins bien protégé que le cavalier certains ont vu plusieurs chevaux mourir sous eux , dans ce cas le roi remplace le cheval c'est le "restor"

En 1295 Philippe le Bel fait acheter 2 000 cottes gamboisées (renforcées) 2 000 bassinets, 2 000 gorgelettes (protection pour la gorge) 2 000 arbalètes . Une cotte coûte 15 à 19 sous, un bassinet 50 sous, une gorgelette (ou gorgelin) 21 deniers. Ils vont être fournis par des artisans à l'unité ou par des groupements à plusieurs dizaines (Livraison non comprise) pour apporter tous ce matériel ce seront chevaux, voiture, emballages personnel etc

 
Qui finance la guerre
  Lorsqu'il s'agit d'une croisade ou de la défense du royaume, le roi peut obtenir du pape une décime pendant une période déterminée. Elle correspond au 1/10 des revenus des clercs pendant 3ans( la durée peut être variable). Une année de décime peut apporter de 200 à 250 000 livres.
Le roi peut exiger "l'aide féodale" (impôt) uniquement dans son domaine. Quatre circonstances permettent cette aide:
       -  l'adoubement de son fils aîné
       -  Le mariage de sa fille aînée
       -  Le versement d'une rançon
       -  Le départ en croisade.
Les villes peuvent apporter une aide. En fonction de leur richesse cette aide peut être dérisoire ou très importante. Pour la croisade d'Égypte de Louis 9 Champigny sur Yonne a versé 4 livres, Paris 10 000 et Beauvais 1 750 . On peut évaluer la participation des villes à la croisade d'Égypte à 274 000 Livres Tournois
Le roi peut également emprunter.  Philippe Le Bel a eu recours aux emprunts et généralement les a remboursés
     
Qui commande
  Bien évidemment, à la tête de l'armée il y a le roi. Cependant ils ne sont pas tous enclins à la guerre, ou ils ne peuvent être partout à la fois. Lorsque le roi ne mène pas ses troupes un prince ou un noble de haut rang le remplace. Tels:
Robert 2 comte d'Artois cousin de Philippe 3  et Charles de Valois frère de Philippe le Bel qui auront tous les deux passé toute leur vie sous les armes. Celui qui représente le roi est appelé Lieutenant du roi au sens 1er du terme celui qui tient lieu de roi, qui remplace le roi.
 
  L'Etat major
 
    Le connétable de France: il est à la tête de l'armée mais plus encore, il est membre du conseil du roi. Il est a rapprocher du chef d'Etat Major actuel. Pendant une campagne, le connétable , assisté des maréchaux est avant tout chargé de l'aspect matériel et logistique de la campagne . Verser les gages des combattants, ravitaillement , veiller à la bonne marche de l'armée.
En campagne le connétables est entouré d'une petite administration chargée notamment des archives, Il dispose de "sergent à masse" qui sont chargés de porter ses ordres ou ses messages.
Le connétable est généralement issu de la haute noblesse. Il est souvent l'homme de confiance du roi , il est employé également comme lieutenant du roi ici le terme de lieutenant doit être pris au sens premier du mot ( il tient lieu de ) Il représente le roi lorsque celui-ci ne peut être présent. Il est aussi diplomate dans les négociations ou auprès des autres nobles ou près du Pape
 
    Les maréchaux  Ce sont des professionnels de la guerre . Chaque armée a son maréchal , quelque soit l'importance de la troupe. Il semble que ce titre apparaît sous Philippe Auguste , (le grand père de Saint Louis). Le maréchal doit vérifier que tous les gens, nobles ou non  convoqués pour l'ost sont présents. Il doit aussi dresser un état de l'équipement du combattant , les gages dépendent beaucoup de l'équipement , de la qualité du cheval. Au cas ou l'animal serait blessé ou mort durant le combat, il sera remboursé par le roi , on a vu plus haut que le prix d'un cheval peut aller de 10 à 300 livres et plus exceptionnellement.
Ils doivent veiller à ce que les marchands charger d'approvisionner la troupe puisse suivre celle-ci et notamment être exemptés des péages qui sont nombreux.
Ils veillent également au maintient de l'ordre
 
    Le maître des arbalétriers Ce titre est le plus récent , il date probablement de Saint Louis. Au départ, ce n'est pas un titre, quoique d'importance, qu'on garde toute sa vie.. A l'origine, ce titre était donné au chef des 25 arbalétriers et des hommes d'armes qui composaient la garde du roi. Avec le temps, le Maître des arbalétriers a assuré sa prééminence sur l'ensemble des fantassins de l'armée du roi.  Au fur et à mesure, les personnages ainsi titrés étaient, hiérarchiquement  un peu inférieur aux maréchaux . Après quelques années de service, il était nommés sénéchal ( sorte de gouverneur) de Gascogne ou de Guyenne régions occupées mais petit à petit le titre est devenu mieux assis et le Maître des arbalétriers pouvait le rester jusqu'à la fin de ses jours.
 
    Les ingénieurs du roi . Maîtres ingénieurs ou Charpentier du roi, Ils vont construire sur place souvent , à partir de bois qu'ils sont allés chercher par exemple en Sicile pour la croisade de Tunis afin de réaliser des engins de jet, des ponts . Lorsque les croisés quittent la Tunisie après leur défaite, il laissent sur place 90 catapultes
     

 

Réalisé à l'aide de l'ouvrage de Xavier Hélary  "L'armée du roi de France"  édition Perrin

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Fiche réalisée le 31/03/2022

Document N° 174